De Saintes et Blaye À Bordeaux (16.-20.9.1726)

De la ville de Xaintes. Dans cette ville, était un chantre de notre village. Il était à la cathédrale qui est Saint-Pierre, nommé Houpin; nous avions même une lettre de recommandation pour lui. Cet homme nous dit qu’il croyait que ce fût un rêve de nous voir à quatre de son même village, que depuis qu’il était là, il n’en avait pas seulement vu de Noyon, qu’il était charmé de nous voir. Il nous fit dîner splendidement et souper de même et nous fit donner un lit à la maison, où pend pour enseigne, le Fort Louis, vis-à-vis la porte Saint-Louis, une des portes de la ville, du côté de Blaye. Le 16, sommes allés chez lui déjeuner et dîner. Cet homme est marié là, avec la fille d’un cordonnier de la Rochelle, qui lui a donné du bien assez. Elle nous fit bonne mine aussi. Elle a eu sept mille livres. Il avait avec lui la nièce de sa femme, nommée mademoiselle Lefeubvre, que nous avons trouvée mariée en revenant. La rivière de la Charente y passe. Il y a une partie de la ville plus élevée que l’autre, sur laquelle est la tour de Mantrible, près du pont. Elle fut faite du temps des Romains. Il n’y a, au pont, que deux arches. La cathédrale est Saint-Pierre, faite par Charlemagne, dont se voit la tête gravée sur la muraille dans l’église. L’on y remarque la vis du degré, pour aller au clocher. Par le dehors de la muraille, on y voit une Y pour marquer, à ce que l’on dit, que Charlemagne aurait fait bâtir autant d’églises en France, avant celle-ci, comme il y a de lettres à l’alphabet. Dans le faubourg Saint-Eutroppes, est l’église du même saint, où dedans se montre la tête, qu’en la touchant, l’on est guéri de plusieurs maux. Sur le pont, est la statue de saint Charles. Dans la ville est un couvent, où l’abbesse est une Biron. Cette ville est en partie dans un fond, fort souvent inondée des eaux. Après cela, sommes partis avec deux lettres que Ch. François Houpin nous avait données de recommandation : une, (pour la liberté de passage de Blaye à Bordeaux, comme l’on ne passait pas facilement), pour monsieur Dupeux, maître de pension à Blaye; et l’autre, pour un chantre à Bourdeaux, avec un écu de 3 livres qu’il nous donna. Avec cela sommes partis. Départ de Xaintes. — Le 16, sommes allés à la Jartes [Lajard], où devant, nous avons vu un homme roué, en chemise fine, de la compagnie de Cartouche, nommé Brides-les-Beuf et son garçon Brides-les-Vaches. De là, à Pont [Pons], ville, où nous fûmes chez monsieur Guerleaux, procureur général de l’hôpital, pour voir nos passeports. Il nous donna un billet pour aller coucher à l’hôpital, où  nous y avons eu chacun chopine de vin et une livre de pain, et mal couchés. Le 17, à Bleur [Belluire); à Saint-Chnis [Saint-Genis], bourg ; à la Bergerie, où nous avons couché. Le 18, à Pesrou [Peyrou]; à Mirambeaux, bourg ; au Petit-Gnort [Petit-Niort) ; à l’abbaye de Pleinne-Seve, bourg ; à Saint-Aubin, bourg ; à Torlie [Etauliers], bourg ; à Pontel ; à Fouchouboudeaux [Fossebondan] ; à Saint-Martin ; à Blaye, ville et port de mer, où nous avons couché. Le lendemain 19, de Blaye. — L’église de Saint-Romain est la principale de cette ville, fondée par Charlemagne. Les habitants disent que Roland-le-Furieux ou Roland-le-Palatin, neveu de Charlemagne, était natif de cette ville et qu’il en était comte. Il fut enseveli en cette église de Saint-Romain, où fut mise son épée Durandal et sa trompe de chasse, au pied de son tombeau, qui depuis fut portée à Bourdeaux, à Saint-Surin. Les habitants de Blaye sont presque tous soldats pour garder la ville. La ville est séparée d’avec les faubourgs. La citadelle est sur une éminence, où dedans sont deux moulins à vent. Cette ville n’est pas grande, mais longue, dispersée en deux ou trois parts, fort peuplée et marchande à cause du port, où la Garonne arrose les murailles du fort. A une portée de fusil, dans l’eau, est un fort pour découvrir, où les soldats de Blaye vont tous les jours monter la garde avec des petites barques. Le poisson y est bon marché. Ayant quelques prises avec Hermand, moi et Delorme, avions résolu de quitter ce Hermand ; pour cet effet avons passé la Garonne dans deux vaisseaux. Le 19, moi seul dans un, ayant ma provision de vivres, ma gourde pleine de vin blanc et douze sardines grillées. Il m’a coûté dix sols de passage. Le port de Blaye est assez beau, rempli de vaisseaux de toutes parts. Nous sommes arrivés, après avoir fait sept lieues sur mer, à Bourdeaux. De la ville de Bordeaux. – Etant arrivés dans le bassin du port de cette ville, avons vu comme une forêt de bois, pour la quantité de mâts de vaisseaux qui remplissaient ce port, au nombre de plus de 200. Ce port est appelé le Port de la Lune, à cause de sa forme en croissant, qui est fait cependant comme un arc dont la ville est la corde. Ce nombre d’environ 200 vaisseaux était fort bien équipé, royalement. Il y en avait de 40 pièces de canon de toutes les nations : des Indes ; d’Espagne, d’Ecosse, d’Irlandes, d’Angleterre, d’Holandes, de l’Orient, de la Turquie, de France, le tout, peint en différentes couleurs, très beau. Nous sommes rejoints au port et avons marché ensemble.

 

Source: Manier, Guillaume: « Pèlerinage d’un paysan picard à St. Jacques de Compostelle », in: Sur le chemin de Compostelle : Paris 2001, Cosmopole Active Media, p. 54-57.

Sprachen und Sprachpolitik entlang des Jakobsweges, Romanisches Seminar der CAU zu Kiel: 28.05.2013
Sprachen und Sprachpolitik entlang des Jakobsweges, Romanisches Seminar der CAU zu Kiel: 28.05.2013
EUROPA AUF DEN JAKOBSWEGEN            KIEL, LANDESHAUS: 22. 11. – 19. 12. 2011 | CENTRE CULTUREL FRANÇAIS, KIEL: 24.01. - 24.02.2012
EUROPA AUF DEN JAKOBSWEGEN KIEL, LANDESHAUS: 22. 11. – 19. 12. 2011 | CENTRE CULTUREL FRANÇAIS, KIEL: 24.01. - 24.02.2012
Congress Santiago (21./22.10.2011)
Congress Santiago (21./22.10.2011)