« Saint Jacques est apparu à l’empereur pour lui dire que le chemin d’étoiles de mènera jusqu’en Galice, sa terre, qu’il délivrera des Sarrasins et où il fera bâtir une église digne d’abriter les
saintes reliques de l’apôtre. Au matin, lorsque Charles s’éveille, il se souvient de son rêve et convoque aussitôt ses barons. Qu’ils rassemblent à une armée, et bientôt, les voilà tous armés de
pied en cap, chevauchant à perdre haleine en direction du sud. Ils traversent la Gaule en toute hâte et les voici déjà sous les murs de la cité de Pampelune. Charles et ses preux se tournent
alors vers l’occident et foncent jusqu’en Galice, où l’empereur fait élever une superbe basilique sur les restes de l’apôtre. Mais les mécréants ne l’entendent pas de cette oreille. Les Sarrasins
rassemblent leurs forces et appellent à leurs secours le terrible roi Agolant, un Maure qui abandonne l’Afrique pour envahir l’Espagne. Telle une nuée de sauterelles, les païens ravagent sur leur
passage et persécutent les Chrétiens. Charles ne peut abandonner ses frères à leur funeste destinée. Il reprend le chemin du sud pour affronter son cruel rival. Leurs armées se rencontrent en un
combat titanesque et le Maure est vaincu. Agolant maudit le jour où il s’est décidé à quitter l’Afrique. Rempli d’angoisse, il se réfugie derrière la puissante enceinte de Pampelune. Les Francs
assiègent la place sans succès, aussi Charles lance-t-il un défi à son ennemi. Il lui propose de l’affronter en combat singulier. Le Maure a trop présumé de ses forces et il ne peut résister au
preux empereur et s’effondre bientôt, mortellement blessé. Charles conduit alors son armée à Najera, une cité défendue par un géant sarrasin, aussi cruel que redoutable, nommé Ferragut. Au terme
d’un combat titanesque de trois jours, Roland, le neveu de l’empereur, parvient à l’abattre. L’armée des Francs délivre Compostelle du joug des Sarrasins. Après avoir accompli cette sainte
mission, elle reprend la route du nord et s’apprête à franchir les Pyrénées. Mais, ici même, à Roncevaux, alors qu’il commande l’arrière-garde, Roland est attaqué par deux rois sarrasins, Marsile
et Baligant. Leur troupe est innombrable alors que le malheureux chevalier n’est entouré que de quelques compagnons. Ils se battent comme des lions et rendent coup pour coup, mais leur lutte est
par trop inégale. Bientôt, ils ne sont plus que cinq preux à résister aux assauts furieux des païens. Roland comprend que sa fin est proche, il est déjà blessé à la jambe et ses forces
l’abandonnent. Pourtant, il trouve encore le courage de souffler dans son olifant pour avertir son oncle de sa terrible destinée. Charles, qui est déjà arrivé dans la vallée à la tête de son
armée, sent son cœur se glacer lorsqu’il entend le son du cor et reconnaît l’appel de détresse de Roland. Il veut rebrousser chemin pour porter son aide à son cher neveu, mais le traître Ganelon
l’en dissuade par ses mensonge subtils. Charles hésite et lorsqu’il se décide enfin et arrive à Roncevaux, il découvre le désastre. Roland et tous ses compagnons sont morts et gisent terrassés
sur le sol. Ayant accompli leur forfait, les Sarrasins ont pris la fuite. Malgré tous leurs efforts, ils n’ont pu s’emparer de la fidèle Durandal que Roland a tenté de briser sur un rocher afin
qu’elle ne tombe pas entre les mains impies. Charles recueille pieusement l’épée et s’agenouille devant elle, les yeux baignés de larmes. D’une voix triste, il ordonne que l’on dresse ici une
grande croix en l’honneur des preux qui se sont sacrifiés pour le salut de leur empereur. Cette même croix qui s’élève aujourd’hui dans le ciel de Roncevaux. Quant aux saintes reliques de son
neveu, l’empereur les fait enterrer avec soins. Elles seront conservées dans l’église qu’il fera bâtir sur le théâtre de ses exploits afin que tous les pèlerins en route pour Compostelle puissent
leur adresser de ferventes prières. »
Aus : Cassagnes-Brouquet, Sophie : Le manuscrit de Compostelle. Saint Paul : Lucien Sourny 2006.